la nuit est tombée depuis un bon moment maintenant, mais ce soir tu n'arrives pas à dormir. ce soir tu penses sûrement de trop, tes parents te manquent chaque jour et tu sais que tu vas bientôt commencer ce stage. tu te poses des questions, trop de questions. est ce que tu as bien fait de quitter toute ta vie comme ça ? tu ne connais même personne ici. tout ce que tu as c'est oki, heureusement qu'il est là. il te regarde avec ses petits yeux pour monter sur le lit, comme chaque soir et chaque soir tu finis par céder. mais ce soir t'as une autre idée en tête, alors t'enfiles ton manteau et tu sors juste vêtu de ton pyjama. tu sais pas vraiment si ce sont des choses qui se font ici, en tout cas tu le faisais avant quand tu n'arrivais pas à dormir au rwanda. tu te promènes dans les rues, sans savoir vers où, tu ne réfléchis pas. tu marches juste, ton chien à tes côtés. tu respires l'air de la nuit, il est différent de celui de la forêt. tout est différent ici et c'est sûrement ce qui t'effraies le plus. alors même que tu ne te rends pas réellement compte de la dangerosité de ce monde. tes parents t'ont fait grandir dans un monde ou presque tout était parfait, dans un monde où seul les animaux avaient besoin de vous, à cause d'hommes affreux qui cherchaient à les tuer. toi t'as jamais compris, comment on pouvait vouloir leur faire du mal. mais tu ne sais pas qu'ici il n'y a pas que les animaux en danger. et quand tu vois cette fille dans la rue, si peu vêtue, tu n'imagines pas un instant à ce qu'elle peut réellement faire ici. tout ce que tu vois toi, c'est qu'elle tremble. alors tu t'approches sans même hésiter. salut. tu souffles doucement, sans penser qu'on ne salue peut-être pas les inconnu comme ça dans la rue. tu as froid ? tu veux mon manteau ? tu lui proposes alors gentiment. les nuits sont encore assez fraiches parfois, le temps est beaucoup plus changeant ici.

La nuit tombée, Lola regarde le ciel étoilé en attendant qu'on l'approche. Elle tente de s'évader un peu, avec les moyens du bord. Elle n'a trouvé que ça. Elle le contemple, ce ciel, se disant qu'il semble différent de celui de chez elle. Un peu, parce que c'était la campagne. Son village, il était perdu dans les montagnes. Quand on montait un peu plus haut, y avait vue sur le lac dans la vallée, et les étoiles s'y reflétaient. Là-bas, malgré tout, elle se sentait plus en sécurité qu'ici. Clairement, dans ces rues, elle est vulnérable. Y a tous ces hommes qui la voient comme une proie, tout qui lui semble étranger. De temps en temps, un homme la regarde, avec un air qui n'inspire clairement pas confiance. Elle prend sur elle, pour en faire abstraction, mais c'est difficile. Elle n'arrive pas à s'habituer à ça quand la vision qu'elle avait de son avenir était bien différente de ce qu'elle vit aujourd'hui. À sa grand surprise, c'est une fille qui s'approche. Elle a ce côté innocent et pur qui frappe Lola. Elle ne la connaît pas, mais elle l'envie déjà. À sa grande surprise, la rouquine vient lui parler, alors qu'elles n'ont clairement rien en commun. D'ailleurs, elle, elle porte un pyjama, un manteau sur le dos. Lola, elle est toute découverte, mais le froid ne l'atteint pas tant que ça. Il faisait plus frais, en altitude, et les hivers étaient vite rudes. « Salut. » répond-elle doucement, avant qu'elle ne lui propose son manteau. Elle commence à connaître le vocabulaire des vêtements, sans doute l'habitude de les quitter tous les soirs... De s'effeuiller devant un homme, chaque nuit, quand le client ne veut pas le faire lui-même. Elle lui sourit alors. « C'est gentil. Non garde. » C'est elle qui aura froid ensuite, elle n'est pas très couverte. Toujours plus que Lola et ses bras et jambes nus. Elle se demande ce qu'une fille comme elle fait là, parmi celles qui font le trottoir. « Beaucoup de problèmes ici. » dit-elle ensuite, pour la mettre en garde, comme elle le peut malgré la barrière de la langue.

t'es postée devant elle. oki à tes côtés et tu l'observes. elle ne semble pas vraiment avoir froid, mais pourtant tu ne peux pas t'empêcher de venir proposer ton aide. salut. tu souris doucement, simplement. comme si tout était simple. parce que pour toi tout l'est. parce que tu réalises pas encore dans quoi tu t'embarques. c'est gentil. non garde. elle te réponds et tu la regardes un peu plus encore. elle n'a rien sur elle et tu ne comprends pas vraiment. t'as pas cherché à comprendre avant de venir lui parler. tu sais que tu aurais froid sans ton manteau toi, mais ça ne te dérange pas, tu n'es pas bien loin de chez toi au final. enfin tu crois. tu ne sais pas réellement depuis combien de temps tu marches avec oki. tu es sûre ? tu demandes. mais il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette situation. pourquoi elle est ici et elle ne bouge pas. qu'est ce qu'elle attend ? quelqu'un ? tu attends quelqu'un ? t'ajoutes alors. peut-être trop curieuse, mais toi ça ne te choque pas. pour toi, cet échange est normal. beaucoup de problèmes ici. qu'elle te dit et tu arques un sourcil, sans comprendre pourquoi elle dirait ça. tu sens dans sa voix qu'elle est sérieuse. aurait-elle peur ici ? des problèmes ? quoi comme problèmes ? t'essayes de parler lentement, parce que tu as remarqué son accent, tu as remarqué qu'elle avait du mal à formuler ses phrases. t'aurais aimé savoir parler sa langue, sûrement un pays de l'est. pourquoi tu restes ici, s'il y a des problèmes ? tu regardes un peu à droite et à gauche sans t'en faire beaucoup plus pour le moment. et tu remarques ces autres filles plus loin, elles sont aussi peu habillées et ne bougent pas. et toi tu comprends pas. sûrement parce que t'as vécu toute ta vie dans ta bulle de bonheur.

Lola n'a pas si froid qu'on pourrait le croire. Habituée aux hivers rudes, et aux nuits fraîches d'ici depuis qu'elle fait ça... Non, ça ne la gêne pas. Elle n'aime pas, vivre de cette manière. Se dégrader à ce point, mais qu'a-t-elle d'autre comme choix ? Rien du tout. Faut qu'elle vive quand même. Elle n'aura pas fait tous ces sacrifices pour abandonner l'idée qu'elle a une seconde chance. Elle tente d'y croire, même si elle baisse parfois les bras. Ce soir, ce n'est pas un client qui s'approche d'elle. C'est une fille... Trop douce pour ce monde sûrement. Même qu'elle est si gentille qu'elle propose son manteau à Lola. « Oui. » répond-elle, quand elle lui demande si elle est sûre. Et elle alors ? Ça ressemble à un pyjama, ce qu'elle porte en dessous. C'en est sûrement un. La fille lui demande si elle attend quelqu'un, et Lola acquiesce. En quelque sorte. Quelqu'un qui se servira de sa situation, comme d'autres avant lui. Comment voir le bien en l'être humain quand on a traversé de telles épreuves ? Elle a du mal, Lola. Elle se méfie presque de tout le monde. Mais elle, la rousse, elle est trop différente pour être dangereux. Lola tente de la mettre en garde, parce qu'il ne fait pas bon traîner ici. Bien sûr... Elle ne devrait pas être là, s'il y a des problèmes. « Tout. » souffle-t-elle. Toutes sortes de choses... Des hommes insistants, des trafics de tout et n'importe quoi. Elle a presque envie de la chasser méchamment pour qu'elle ne risque rien. Ne connaît-elle pas ça ? Ne la catégorise-t-elle pas directement parmi les prostituées comme le fait le commun des mortels ? Elle aurait presque envie de la laisser dans son monde si beau. Elle voudrait avoir le même... la rousse lui demande aussi pourquoi elle reste, parmi les problèmes qui peuvent surgir de nulle part. « Pas de choix. Le travail. » répond-elle, faisant quelques fautes au passage. Elle se pince la lèvre, elle regarde un peu les voitures passer. Les hommes qui tournent mécaniquement la tête quand ils voient des jupes aussi courtes.

t'insistes un petit peu ou plutôt tu demandes gentiment une nouvelle fois. t'es si innocente, tu ne comprends pas qu'elle est habillée comme ça pour une raison et qu'il faut que sa peau soit le moins recouverte possible. un manteau gâcherait son corps si jolie, qui attire les hommes de la ville. oui. tu lui souris doucement alors. mais tu ne pars pas tout simplement. parce qu'elle t'inquiète, parce qu'elle t'intrigue surtout. tu ne sais pas vraiment de quoi elle parle. quoi comme problème voilà la question qui tourne dans ta tête à cet instant. tout. et tu arques un sourcil, parce que sa réponse ne t'aide pas vraiment. tu regardes autour de toi doucement, tu vois des voitures passer, mais rien ne te semble anormal sur le moment. tu vois juste des hommes la regarder, mais tu ne fais pas le lien. elle est jolie cette fille, c'est normal si on la regarde. pas vrai ? je ne comprends pas vraiment. tu ne peux pas m'expliquer les problèmes que je peux avoir ou ceux que tu peux avoir ? tu lui demandes lentement. tu ne parles pas trop vite pour qu'elle puisse te comprendre. t'es peut-être trop curieuse et tu devrais partir, laisser tomber. mais si elle a des problèmes tu ne peux pas faire juste comme si de rien était. pas de choix. le travail. qu'elle te dit. et tu la regardes, tu pourrais sortir cette phrase que t'as souvent entendu. que tes parents t'ont souvent répété. on a toujours le choix. mais quand tu la regardes tu vois bien qu'elle n'a pas le choix. même si tu ne comprends pas la situation. quoi comme travail ? tu demandes alors tout simplement. parce que tu ne vois pas vraiment ce qu'elle pourrait faire ici comme travail. tu n'y connais rien à ce monde. toi dans ton monde ça se résumait à la science de tes parents et quelques agriculteurs. t'as vécu dans une aire différente, comme si les années avaient défilés en années lumières pendant que t'étais dans l'avion pour venir ici.