pilar pianote sur son ordinateur depuis des heures. elle n'a plus aucune connexion internet chez elle, à croire que les éléments se liaient les uns aux autres pour l'empêcher de travailler comme il se doit... elle n'arrive plus à faire les choses correctement et offrir un service de qualité alors que tout ce qu'elle est capable d'avoir c'est une flamme qui tourne sans cesse en rond dans l'attente d'une petite lumière. pilar n'est pas patiente, elle n'aura pas attendu longtemps avant de fermer avec humeur son macbook flambant neuf pour descendre et trouver un café qui lui offre un confort indéniable et des heures de connexions gratuite pour lui permettre de clôturer enfin le nombre instable des factures accumulées les unes après les autres à cause d'une flemme quotidienne de s'en occuper... les lunettes sur le nez et les écouteurs dans les oreilles, pilar a presque l'air professionnelle de l'extérieur, complètement concentrée sur son écran alors qu'elle zone sur un shop en ligne depuis près d'une heure. elle a vu une robe magnifique qu'elle hésite encore à se procurer du fait du nombre de zéro qui lui donne l'impression d'avoir le vertige rien que d'y penser. pourtant, elle a bien d'autres choses à faire pilar, obligée de régler les affaires après la fête, toujours... une gamine qui aura eu envie de faire de ce qu'elle aime le plus un quotidien un peu plus contraignant que celui qu'elle avait encore quand elle profitait des soirées tranquillement attablée derrière un cocktail hors de prix. elle ne lève pas souvent les yeux mais soudain, cette fois, elle est sûre d'avoir vu l'homme en face d'elle la regarder avant de replonger sur son cahier. elle fronce les sourcils. elle le voit griffonner, dessiner ? ni une, ni deux, elle se lève, avec ses gros sabots, prête à aller lui montrer de quel bois elle se chauffe. tu veux ma photo ? elle demande, se donnant légèrement en spectacle, parlant fort alors qu'elle arrive à peine à sa hauteur. voilà qui aura le mérite d'être clair, elle n'aime pas qu'on la dévisage, encore moins qu'on fasse semblant de ne pas l'avoir fait...

depuis ton retour, tu passais ton temps à te perdre dans les rues de cette ville que tu redécouvrais petit à petit. ou bien tu t’arrêtais, sur un banc, dans un café, pour regarder les passants. pour les dessiner. tu étais toujours en quête de celle qui ferait chavirer ton cœur. celle qui débloquerait ton talent, et te redonnerais l’inspiration. tu avais quitté julia à cause de ça. elle ne t’inspirait. ni ses lèvres pulpeuses, ni sa peau dorée par le soleil sous lequel elle était née. il te fallait une autre beauté. une beauté inconnue. pure. un ange qui viendrait illuminé ta vision. tu étais trop las aujourd’hui pour parcourir les rues. pour marcher sous le soleil. alors tu t’assis à une terrasse, verre de vin et calepin. tu différais des autres clients, avec leur ordinateur et leur café. ils avaient la pression, le stress de travailler. tout le contraire de toi, qui voguait au gré de tes envies dans les pays que tu voulais visiter, seulement armé de ton passeport. pour rien au monde tu ne changerais de vie. pour rien au monde tu ne t’établirais ici, dans une vie bien rangée. une cliente en particulier attira ton attention. une blonde, concentrée sur un travail important selon toi. ton crayon se mit à glisser tout seul sur le papier de ton carnet. tu avais son visage bien en tête, pourtant il t’arrivait de la relever de temps en temps, pour distinguer les légères rides qui se formaient sur son front à force de réfléchir, ou bien le plissement de ses yeux dont tu ne distinguais malheureusement pas la couleur. c’est en relevant la tête pour capter l’un de ces détails que ton regard croisa le sien, fugacement. tu le soutins quelques instants, le temps d’intégrer ce qu’il te fallait pour ton dessin, et tu replongeas la tête, comme si rien n’était arrivé. des pas se rapprochèrent pourtant rapidement de toi. tu n’eus pas besoin de lever les yeux pour se douter que c’était elle, cette muse éphémère qui t’avait pris sur le fait. tu veux ma photo ? une femme au caractère bien trempé, c’était comme ça que tu l’avais imaginé. une femme qui ne se laissait pas marcher sur les pieds. il semblait que tu ne t’étais pas trompé. non, juste la couleur de tes yeux. tu levas les yeux vers elle cette fois, armé d’un de tes sourires en coin, presqu’amusé par la situation. ça n’avait pas l’air de la faire rire elle, mais toi. ça te plaisait d’avoir attiré son attention rien qu’en immortalisant son portrait.