un appel, un peu étrange, en pleine nuit. il est quoi, deux heures du matin, peut-être trois. tu as essayé, tu as vraiment tenu le plus longtemps possible mais au final, tu n'y arrives pas alejo. t'as beau faire le coq, t'as beau être fier et rempli d'assurance, à côté de ça t'es qu'un type qui a perdu sa femme. la femme de sa vie. tu l'aimais putain, tu l'aimes plus que tout et trois ans, c'est rien. trois ans, c'est encore trop récent, c'est encore là, devant tes yeux, comme toutes ces nuits où t'es incapable de fermer l'oeil de peur de revoir l'accident, revoir le sang sur son visage et son corps inerte. son corps qui ne s'éveille pas. combien de fois, tu l'as fait ce cauchemar, combien de fois tu as essayé de la réveiller, sans y arriver. jamais. cette fois c'est matteo qui pleur, matteo qui ne veut plus dormir, matteo qui te fait une crise de larmes, ou d'angoisse, ou tu sais pas vraiment. tu as tout essayé. tu l'as bercé, tu lui as chanté une chanson, tu l'as pris dans ton lit, tu as aspergé son doudou du parfum de bianca. tout. mais il n'arrête pas et toi, tu n'y arrives plus. c'est sûrement pour ça que tu as appelé luis, en renfort. en secours. il connait. il sait. il te connait mieux que quiconque. il sait quand tu es au bout, et dans ces moments tu l'appelles, parce que tu peux toujours compter sur lui. comme il pourra toujours compter sur toi. quelques coups contre la porte, tu vas lui ouvrir et rien qu'en le voyant t'es soulagé putain. il t'a déjà vu au plus bas, bien bas. je.. j'y arrive plus. tu lances, simplement, les yeux qui se remplissent de larmes silencieuses qui ne couleront pas, parce que tu les retiendras. tu le laisses juste entrer et t'aider. aider ton âme à s'en remettre encore et encore.

au début, t'avais honte. maintenant, t'as toujours autant honte, si ce n'est plus, de ces moments de faiblesses que tu ne sais simplement pas gérer. tu n'y arrives pas. t'aimerais être fort, t'aimerais être le papa indestructible qui est là pour son fils, mais t'y arrives pas. tu ne sais plus faire. tu manques de courage, de sommeil et peut-être simplement d'amour. l'amour d'une femme qui ne voyait que le bon en toi. il n'y a plus rien maintenant. plus rien. alors tu appelles ton meilleure ami à la rescousse. le pauvre. il commence à en avoir l'habitude. ça arrive tous les trois mois, généralement, maintenant. avant, c'était bien plus répétitif.. je suis là. qu'il te souffle. sa main qui se dépose sur ton épaule alors que tu le laisses finalement passer. la chambre de matteo qu'il connait par coeur. il connait le chemin. tu le laisses, tu te contentes de te laisser tomber contre le dossier du canapé. tu rebondis à peine. la tête entre tes mains, tu essaies de réfléchir, à n'importe quoi. mais rien ne vient en tête si ce n'est la fatigue en réalité. t'es fatigué, à bout de force. tu l'entends revenir, matteo dans les bras, un matteo qui pleure encore, un matteo qui ne semble pas quoi faire, qui ne sait pas comment réagir alors il pleure, le gosse. tu sais qu’il faut dormir hein. regarde, t’as ton doudou, ton papa et ton luis rien que pour toi. tu l'entends dire. tu remontes ton regard, t'essaies de regarder ton fils, dont t'es même pas capable de t'occuper. t'es qu'un con. tu t'énerves, tout seul. tu t'en veux, évidemment. ça va aller matteo. tu dis, sans grand en train, tu fais ce que tu peux. t'es pas efficace. tu l'sais. vaut peut-être mieux que tu ne parles pas d'ailleurs, ça serait peut-être mieux non ? il n'a pas de fièvre, j'crois pas. je sais pas ce qu'il a. tu avoues, finalement. non, tu ne sais pas.