Les magasins qui ferment tard, à l'heure où les bars de la ville sont bondés. Dalia, après quelques verres, elle est décidée à aller faire les courses, histoire de prolonger la soirée chez elle, avec ses colocataires ou un inconnu au hasard. Elle est sérieusement éméchée, quand elle entre dans la supérette. Elle avance dans les rayons, l'air nonchalant qui va avec. Elle rit sans trop de raison, passe par des rayons qui vont bien ensemble. L'alcool, les cochonneries en tous genres, et puis les capotes. Elle prend n'importe quoi, regarde à peine, quand elle lâche les articles dans le panier. Elle titube un peu, chantonne sur le chemin jusqu'à la caisse. Elle manque de déraper sur des morceaux d'emballage, par-ci par-là, déchets qui seront nettoyés à la fermeture du magasin. Elle commence à faire la queue, s'agace parce qu'elle n'est pas toute seule malgré l'heure tardive. Elle déteste ça, quand même, a pris l'habitude de manger tout et n'importe quoi ou de voler de la nourriture à ses colocataires. Quand on regarde son panier, on pense sûrement à une décérébrée, et elle ne fera pas celle qui est normale de toute façon. Elle n'est même pas sobre, quand elle commence à déposer les articles sur le tapis roulant. « Bonjour ! » lance-t-elle même à la caissière, à haute voix, alors que la nuit est tombée depuis quelques heures déjà. On lui lance des regards étranges, elle, elle est imperturbable. L'alcool qui monte petit à petit, la faisant se comporter encore plus bizarrement qu'à son habitude. Un peu brusque dans ses gestes, maladroite aussi, ça se voit bien qu'elle n'est pas dans son état normal, si seulement elle peut l'être parfois. Elle déraille, Dalia. Comme toujours. Elle se fait remarquer souvent pour les mauvaises choses, sauf quand elle mixe.

des soirées comme ça, des soirées où tu travailles, t'aimes pas vraiment ça. parce que tu pourrais être dans les rues ou entrain d'épiler les bars pour t'amuser. mais non t'es assise sur cette chaise, faisant défiler encore et encore les articles. un sourire permanent sur ton visage, heureusement celui-ci en a pris l'habitude. t'en aurais eu des crampes sinon. les heures défilent, c'est long mais t'en vois le bout. le magasin qui ferme bientôt, tu seras bientôt libre, pour faire quoi ? tu sais pas trop encore. mais tu sais que tu trouveras, comme d'habitude. et là ton regard tombe sur cette fille dans la fil, celle qui tient à peine debout et tu vois les gens qui la jugent autour. mais toi ça te fais juste sourire un peu plus. parce qu'elle est jeune, parce qu'elle profite juste et que tout ceux autour sont juste vieux et qu'ils ne se souviennent sûrement plus d'eux à cette époque. bonjour ! tu l'entends te dire alors qu'elle se rapproche. bonjour tu lui réponds alors, sans même penser au fait que vous êtes déjà bien tard. toi ça fait un moment que t'es enfermée ici, alors le temps il passe sans que tu fasses attention. et tu continues à faire passer les articles, avant d'en arriver à elle. un coup d'oeil rapide à ce qu'elle achète. une bonne soirée de commencer ? tu demandes un peu curieuse, toujours un peu trop curieuse. mais tu ne peux t'en empêcher le monde t'intéresse, les gens t'intéresse. et t'as bien envie de savoir ce qu'elle a déjà pu faire pour être dans cet état à l'heure qu'il est. parce qu'il n'est pas si tard.

Dalia est déjà dans un sale état, alors que la soirée n'est pas si entamée que ça. Peut-être bien que c'est de l'auto-destruction, et que tout le monde voit bien, qu'elle ne va pas si bien qu'elle le prétend. C'est sûrement la seule qui fait tâche dans le décor, comme toujours, avec sa démarche titubante. Et d'autant plus avec les articles. Alcool, capotes... ça annonce la couleur, et il ne faut pas être un génie pour deviner ce qu'elle a l'intention de faire. On doit se dire qu'elle est folle, sûrement, mais elle n'y accorde pas tant d'importance. C'est ce qui fait sa force, de ne pas se soucier de ce que pensent les gens. Elle n'est pas comme ses parents, elle au moins... Loin de là. Elle salue la caissière, enthousiaste, contrairement aux autres personnes. Si enthousiaste que pour elle, c'est encore le jour. Elle est si peu sobre qu'elle en perd la notion du temps, de l'heure qu'il peut bien être. La caissière, elle lui répond mécaniquement la même chose, mais elle a l'air sympathique. D'ailleurs, elle lance la conversation en commençant à faire passer ses articles. Ça la fait sourire, elle, et elle aurait limite envie de lui proposer de se joindre à elle si elle avait fini le boulot. « Ouais, c'est que le début. » répond-elle. Elle ne se couche jamais avant le petit matin Dalia, elle a ce rythme décalé, quelques heures de sommeil qui se battent en duel. « Ça a pas l'air aussi fun pour toi. » commente-t-elle en retour. Ça doit être pénible ce job... Elle, elle n'a jamais eu à faire ça, née avec une cuillère en argent dans la bouche. Mais elle est bien consciente qu'y a des trucs pas forcément marrants, ou pas forcément légaux, que certains doivent faire pour vivre. Ça la révolte, cette injustice.

c'est mécanique, tu salues les gens, tu passes leurs articles et surtout tu souris en toute circonstances. même quand ça ne te plaît pas, même quand les gens peuvent être chiant. parce que t'en as vu passé des gens qui te traiter comme de la merde. mais toi t'as rien le droit de dire. tu dois faire comme si de rien était, c'est comme ça et pas autrement. sinon tu risquerais ta place ici et tu sais que t'as pas assez de diplôme pour postuler pour d'autres jobs. t'en as besoin de cet argent pour profiter de ta vie, pour vivre ton train train de débauche. sûrement pas autant qu'elle. mais ça te fais sourire, de voir que t'es pas la seule à profiter de ta vie. pas comme tout les coincés autour qui la regarde comme si elle venait d'une autre planète. si c'était le cas, tu viendrais probablement de la même. la vie est faîte pour ça, profiter et sûrement pas pour se lamenter sur sous sort. ou passer sa soirée devant une télé à râler de son boulot.   ouais, c'est que le début. tu rigoles doucement. elle a de quoi faire avec les provisions qu'elle achète. il y a quoi de prévu ensuite ? tu demandes un peu curieuse. histoire de te faire rêver un peu, pendant que toi tu regardes l'heure défiler doucement. bientôt ça sera ton heure de délivrance, mais tu dois patienter encore un peu. une bonne demi heure et t'en auras fini. ça a pas l'air aussi fun pour toi. tu hoches doucement les épaules, passant son dernier article. tu vois déjà les clients derrière râler, parce que tu prends ton temps et qu'eux n'ont pas le temps. pas vraiment, mais bon j'ai bientôt fini alors ça va. et puis tu n'es pas vraiment du genre à te plaindre. alors t'acceptes juste le fait que ton boulot soit pas le plus enrichissant, c'est toi qui a pris cette décision. celle de ne pas faire d'études pour faire quelque chose que t'aimes réellement. ça fera trente euros la vie de débauche coûte chère malheureusement.

Dalia n'a jamais eu à faire ces choses-là. Des jobs par-ci par-là, des jobs de merde tout le temps. Non, elle a au moins eu de la chance dans son malheur, dans ce fléau que c'est parfois de venir d'une famille comme ça. L'argent qui coule à flort, le reste qui est donné. Mais la brune, elle a besoin de reconnaissance quand même, alors elle fait tout pour l'avoir. Elle saisit les occasions. Le reste du temps, elle se met une misère pas possible pour oublier que le reste ne va pas. Que son passé, il n'est pas aussi loin qu'elle le prétend parfois. Elle la plaint un peu cette fille, mais peut-être qu'au fond, sa vie n'est pas si dramatique. Elle ne lui souhaite pas en tout cas. Les autres la regardent mal, parce que les articles sur le tapis annoncent clairement la couleur de sa soirée. Mais pas la caissière. Elle, ça la fait sourire, et elle pose même des questions à Dalia, qui lui dit clairement que ça, tous ces achats, ils ne sont que le début de sa soirée. Elle essaiera de trouver un mec pas trop mal, peut-être même deux si l'occasion s'y prête. « Oh ben ça dépendra de l'inspiration... Faut rien prévoir, ça tue le plaisir de l'improvisation. » dit-elle avec un air taquin. Les autres la regardent d'un air encore plus méprisant, mais s'ils savaient d'où elle vient, ils ploieraient le genou. Parce qu'elle est d'une famille respectable. Dalia fait un commentaire, sans trop savoir comment la fille pourrait le prendre. Faut dire qu'elle n'est déjà plus sobre. Que quelqu'un de censé devrait lui empêcher d'acheter un peu plus d'articles qui vont lui mettre la tête à l'envers. Mais y a personne pour veiller sur elle. Personne. Et elle, elle n'est pas de bon conseil pour elle-même. « Tu peux me dire que c'est de la merde hein, puis t'es pas obligée de sourire, même si c'est vrai que ça fait plus commercial. » répond-elle, trop franche. Elle veut pas que la blonde se sente obligée à quoi que ce soit, c'est suffisamment chiant comme ça. Elle lui donne le prix, « C'est cher ces conneries. » réagit-elle tout de suite. C'est cher, mais c'est rien pour elle en réalité. « Tu veux venir ? » demande-t-elle en plantant son regard dans le sien. Elle l'invite comme ça, même si elle ne la connaît pas.

la première cliente qui te donne réellement envie de parler ce soir. parce que tu la comprends, quand tout les autres ne font que la regarder de haut. toi t'aimes bien faire la discussion avec elle.  oh ben ça dépendra de l'inspiration... faut rien prévoir, ça tue le plaisir de l'improvisation. et tu la comprends un peu plus quand elle parle. c'est comme si elle et toi vous aviez les même pensées au final. parce que tu ne prévois jamais rien à l'avance ou très rarement. tu te laisses juste aller dans le flow de la soirée, tu laisses juste tes pas t'amener dans un bar, dans une soirée ou une boîte généralement. t'es pas bien compliqué, tant que tu peux profiter de ta vie. rien de mieux qu'un peu d'alcool, de la bonne musique et des gars qui ne seront que de passage. parce que c'est tout ce que tu peux ou veux te permettre. c'est une façon géniale de penser  tu lui dis alors avec un sourire. et c'est réel à ce moment précis. tu ne te forces en aucun cas. mais elle arrive bien à voir que ce métier ce n'est pas ta passion. tu peux me dire que c'est de la merde hein, puis t'es pas obligée de sourire, même si c'est vrai que ça fait plus commercial. et tu te retiens de rire parce que ça ne serait pas correct. parce que les autres clients pourraient se plaindre, pourrait même aller le dire à ton boss. t'en sais trop rien, t'as pas envie de risquer quoique ce soit. mais tu t'approches doucement d'elle pour lui murmurer. c'est de la merde. mais bon ça me paye mon loyer et mes soirées alors le sourire j'ai pas vraiment le choix. et puis ce n'est pas qu'ici que t'affiches ce faux sourire, il est en permanence sur ton visage. parce que t'as juste l'impression que c'est plus facile de faire face à la vie comme ça. c'est cher ces conneries. tu ris doucement et tu hoches les épaules. tu le sais, c'est pas toi qui fais les prix; malheureusement. sinon t'aurais déjà baissé tout ça, pour le bien de ton propre porte monnaie au passage. et pour le bien de beaucoup de porte monnaie. tu veux venir ? tu relèves étonnée par cette proposition. tu ne t'y attendais pas vraiment, mais au final ça ne t'étonnes presque pas venant d'elle en la regardant à nouveau. tu parles déjà avec elle comme si vous aviez passé votre soirée ensemble. je finis dans quinze minutes, tu peux m'attendre ? tu lâches alors sans réfléchir une seconde de plus.

Dalia, elle a ce don pour délier les langues. Les gens la trouvent un peu barrée, et se disent souvent qu'ils ne peuvent pas être pires qu'elle. C'est peut-être pour ça que la jeune femme face à elle, se permet certaines choses qu'elle en se permettrait pas de faire avec les autres clients. D'ailleurs, ceux qui sont derrière la brune râlent sans arrêt, parce qu'elles prennent leur temps. Dalia n'est pas non plus comme sa famille, à snober ceux d'en bas. Ce n'est pas dans son tempérament. Il suffit de voir ses fréquentations parfois. Ça va du top modèle populaire du moment au sans domicile fixe en bas de son immeuble. Quand la blonde lui demande ce qui est prévu, elle lui répond naturellement qu'elle compte improviser. Y a rien de mieux que ça n'est-ce pas ? La fille a l'air d'apprécier l'idée, et Dalia lui sourit en retour. « C'est peut-être aussi parce que je suis un peu saoule. » lui confie-t-elle tout bas, comme si tout le monde ne l'avait pas déjà compris. Elle fait rire, quand elle est comme ça... Même quand elle est sobre. Mais elle a des problèmes qu'on ne soupçonne pas. Des secrets lourds à porter. Elle s'efforce de garder la tête haute, depuis des années. Elle reprend, lui disant qu'elle n'est pas obligée de sourire si ce n'est pas sincère. Parce que mine de rien, ça doit être chiant de sourire à longueur de journées juste pour que les clients se sentent bien accueillis... L'essentiel, c'est qu'ils repartent avec leurs articles non ? C'est un peu égoïste d'exiger du personnel d'être agréable quand on sait pertinemment que c'est chiant comme job. « Peut-être que tu devrais changer alors, non ? » lance-t-elle avec une certaine naïveté. Comme si c'était simple, qu'on pouvait changer de job comme de culotte. Elle est comme ça, à prendre la vie avec légèreté comme s'il n'y avait pas de problème. Comme si elle effaçait les siens. Elle commente le prix de ce qu'elle achète. Peut-être qu'ils augmentent les prix de ce genre de trucs pour qu'on les consomme moins, mais ça ne change rien. Quelqu'un qui veut acheter une bouteille l'achètera de toute façon. Ça fait rire la jeune femme, et elle lui sourit rapidement en cherchant de quoi payer. Elle lui tend un billet de cinquante euros, parce que sur le moment, elle ne se souvient plus du code de sa carte. Et naturellement, elle lui demande si elle veut se joindre à elle. Étrange rencontre, étrange proposition, mais ça lui ferait plaisir. « D'accord je t'attends ! » s'exclame-t-elle. Elle est contente qu'elle accepte. « Je m'appelle Dalia au fait. » ajoute-t-elle. Elle reste sur le côté, quand elle a terminé. Elle patiente là, lui tient compagnie jusqu'à temps qu'elle finisse.

tu n'as jamais rencontré de fille comme elle ici. mais tout est possible dans ce monde, tu n'en doutes pas et c'est ce que t'aimes particulièrement. tu restes toujours surprises par les événements, par les gens. aucun jour ne se ressemble et tu sais que tu ne supporterais pas si c'était le cas. tu n'es pas cette fille à vivre dans une petite routine. alors t'aimes sa façon de penser, t'aimes le fait de se laisser aller.  c'est peut-être aussi parce que je suis un peu saoule. qu'elle te dit, comme si tu ne l'avais pas remarqué, comme si personne ne l'avait remarqué ici. alors ça te fais rire doucement. et tu restes sur ces quelques mots, parce qu'ils sont précieux, parce qu'ils te font rires. comme si cette fille au final, tu la connaissais depuis un moment. tu t'ouvres à elle sur ton boulot. tu lui avoues ce que tu penses réellement et ce que tu caches aux autres clients. parce que l'avouer, ne serait pas une bonne publicité pour le magasin et beaucoup ne comprendrait pas. peut-être que tu devrais changer alors, non ? tu la regardes et t'aimerais que ce soit si simple. t'as jamais voulu voir plus loin que le bac. t'as jamais espéré faire des études. à quoi bon ? ton temps était compté. j'ai juste le bac, les autres options ne sont pas plus époustouflantes. tu dis alors avec un léger sourire pour cacher la réelle déception. parce que tu sais que t'aurais été capable de faire des études, t'aurais été capable de plus. mais pour le moment tu sais juste que tu peux profiter de la vie autrement. tu peux profiter de ta soirée, elle va te faire profiter cette fille. et tu n'hésites même pas une seconde à dire oui. d'accord je t'attends ! je m'appelle dalia au fait. tu souris doucement. et moi c'est isis. tu lui réponds, ne pensant pas au fait que c'est marqué sur ton uniforme. et tu continues juste à faire passer les quelques clients qui restent. tu lui dis que tu reviens quand tu finis enfin. tu passes dans les vestiaires où tu te changes et tu reviens en quelques minutes, en tenue prête à bouger. alors on se laisse juste aller vers un endroit ? tu lâches sourire aux lèvres.