tu ne sais pas pourquoi tu parcoures les couloirs de l’hôpital. tu ne sais pas pourquoi tu as posé toutes ces questions aux parents de sara. mais t’as besoin d’avoir des réponses aux questions que tu te poses depuis un an maintenant. tu sais que ce n’est pas sain, que tu devrais passer à autre chose. mais tu n’arrives pas à te défaire de cette idée que tu aurais pu faire quelque chose. alors, t’as demandé aux parents de ta défunte fiancée le nom de son cancérologue. tu ne sais pas exactement ce dont tu vas lui parler, mais tu veux en apprendre plus sur sa maladie, tout ce qu’elle impliquait et si tu pouvais changer quelque chose à sa vie. alors, tu as pris rendez-vous, te présentant. de suite, le médecin a décidé de te recevoir. il sait qui tu es parce que sara lui a beaucoup parlé de toi. tu sens un pincement au cœur. ça te fait toujours bizarre d’apprendre que les gens autour de la jeune femme te connaissaient et étaient même au courant de sa tumeur alors que toi tu ignorais tout de ça. tu pousses un soupir alors que tu te rends dans la salle d’attente du docteur. t’as encore une bonne dizaine de minutes. tu sors ton téléphone pour jouer avec quand tu reçois un message. une certaine madame irma. tu fronces les sourcils. ça doit encore être un spam. tu lis cependant par curiosité et tes sourcils se froncent encore plus. comment ça elle ne veut pas ton bonheur ? est-ce qu’elle parle de sara ? de quelqu’un d’autre ou est-ce que c’est totalement débile ? t’as pas le temps de te poser plus de questions que c’est l’heure de ton rendez-vous. tu passes près d’une heure à l’intérieur à discuter avec ce docteur et finalement, t’apprends que tu n’aurais rien pu faire pour sara. ça te fait encore plus mal que d’apprendre sa maladie alors qu’elle est morte. le cancérologue te dit aussi que c’est parce qu’elle voulait vivre ses derniers instants normalement qu’elle ne t’a rien dit et qu’elle faisait passer ses maux de crânes pour des migraines chroniques. tu n’as rien appris de plus et c’est en remerciant le médecin, que tu quittes les lieux. tu erres encore un peu dans les couloirs de l’hôpital jusqu’à ce que tu bouscules quelqu’un. tu baisses les yeux vers la jeune femme et aussitôt tu changes d’expression. t’étais prêt à t’excuser mais pas là, pas cette fois. « tu gènes carneiro. » t’es pas aimable, pas avec elle parce qu’elle a brisé le cœur de ton pote, sans même paraitre gênée par ça.

c’était le jour que tu détestais le plus dans la semaine. le jour de la visite médicale. le jour où ton médecin t’examinait sous toutes les coutures et te faisait passer toutes sortes de tests pour s’assurer que la maladie n’évoluait pas plus vite que prévu. t’étais toujours de mauvais poil pendant cette journée. pas question pour toi de sourire, ni même de te montrer agréable. tu n’aimais qu’on te rappelle constamment que tu n’avais plus que quelques années à vivre, et que tu devrais laisser tous tes proches derrière toi. tu n’aimais pas être malade. ton médecin était habitué à ta mauvaise humeur. même sa jolie gueule ne pouvait pas l’égayer un peu. à quoi bon faire semblant. de toute façon, t’avais jamais été douée pour faire semblant, pour mentir. ton sac à main sur les genoux, t’attentais patiemment ton tour. tu ne cessais de jouer avec la lanière, beaucoup trop stressée pour un simple rendez-vous. tu détestais les hôpitaux depuis ton enfance. tu les détestais encore plus maintenant que tu savais qu’ils pouvaient t’annoncer une mauvaise nouvelle toutes les semaines. ça serait le cas un jour. on te dirait que tes poumons ne fonctionnent plus, et brancherait à un respirateur artificiel, juste avant que tu t’éteignes parce qu’il n’y avait aucune greffe pour toi. c’est encore plus grave que d’habitude que tu te levas de ton siège pour te rendre jusqu’à la salle d’examen. tu avais à peine fait quelques mètres que quelqu’un te rentra violemment dedans, sans même prendre la peine de s’excuser. tu gènes carneiro. tu levas les yeux en reconnaissant cette voix. de toutes les personnes que tu pouvais rencontrer aujourd’hui, il fallait que ce soit celle qui te détestait le plus. tu en savais même pas pourquoi d’ailleurs. sans faire d’efforts, tu lui répondis sur le même ton. et toi tu devrais ouvrir un peu plus les yeux.. ah merde, tu peux pas. tu lui balanças un sourire faux en croisant les bras sur ta poitrine. même si tu avais rendez-vous, il n’était pas question que ce soit toi qui t’incline. trace ta route ortiz, c’est pas le moment. t’espérais qu’il comprenne vite que ce n’était pas le moment pour te chercher, même si tu te doutais qu’il n’avait clairement pas la capacité mentale pour ça puisqu’il était toujours devant toi. tu n’étais nullement intimidée par ses yeux qui te lançaient des éclairs, et s’il fallait l’écraser pour partir de cet endroit au plus vite, tu n’hésiterais pas à le faire.

ta rencontre avec le médecin de sara ne t'avait pas réellement été d'une grande aide. tu n'avais rien appris de plus que ce que tu savais déjà. mais tu te sentais encore plus mal qu'avant. tout ça parce que ça avait renforcé ton sentiment d'impuissance. tu n'avais pas pu l'aider dans la maladie, parce qu'elle ne t'avait rien dit. pourtant, son médecin et ses parents ne cessaient de te répéter que tu avais fait tout ce que tu pouvais pour elle en l'aimant et en la traitant normalement, comme une personne non malade. justement, c'était ça qui t'emmerdait. sara était malade, elle aurait du te le dire, tu aurais pu faire quelque chose pour l'aider et la soutenir dans cette épreuve. mais non ça n'avait pas été le cas. à la place tu lui avais fait faire des choses que normalement elle n'aurait pas pu faire à cause de sa maladie. mais c'était ce qu'elle voulait. vivre comme une personne saine, pas comme une condamnée à mort. et tu lui avais offert cette vie. parce qu'honnêtement, si tu avais été au courant, tu n'aurais rien fait de plus que la couver et elle n'aurait pas eu la vie qu'elle méritait d'avoir. c'est avec ces pensées que tu erres dans l'hôpital sans réellement de but. t'as pas envie de rentrer chez vous et de voir que tu es encore une fois tout seul. aller à la boutique ? non, t'as pas envie non plus. t'as donc rien d'autre à faire et tu te balades sans savoir où tu vas jusqu'à ce que tu bouscules quelqu'un. super, c'est une personne que tu rêvais de voir. vous entendez l'ironie ? luna carneiro. une fille qui aurait pu être ton amie ou plutôt le rester si elle n'avait pas brisé le cœur de ton pote sans même sembler éprouver le moindre regret. alors, tu ne t'excuses pas et lui ordonnes d'une voix glaciale de dégager le passage parce qu'elle gêne. tu t'attends pas à ce qu'elle t'obéisse au doigt et à l’œil et sa réflexion sur tes yeux en amandes, signe de ton appartenance aux asiatiques te fait plus rire qu'elle ne devrait. si ça avait été quelqu'un d'autre, peut-être que tu aurais pu être blessé ou même en colère mais elle, tu la regardes juste avec dédain. « attaquer le physique d'une personne, really ? » tes yeux ne la quittes pas et un sourire mesquin s'affiche sur tes lèvres. « allez tu peux faire mieux que ce genre de réflexion digne d'une cour de récréation. » tu laisses ton regard passer sur elle, comme si tu la scannais avant de reprendre la parole. « mais j'imagine que c'est trop demandé pour ton petit cerveau. »

s’il y avait une chose qui avait le don de te mettre de mauvaise humeur, c’était ton rendez-vous quotidien chez le médecin. petite, tu allais le voir moins souvent. tes poumons n’étaient pas encore trop abimés à cette époque. mais maintenant, c’était une autre histoire. ton corps était loin d’être aussi sain. tu buvais de l’alcool à chaque sortie, tu ne dormais pas autant que tu devrais. et pire, il t’arrivait aussi de fumer, même si ça se finissait le plus souvent par une quinte de toux qui te faisait passer le joint à quelqu’un d’autre. toutes ces mauvaises habitudes aggravaient ton état. travailler aussi d’ailleurs, mais il était hors de question pour toi de te priver de toutes ces expériences parce que tu étais née avec un handicap. tu avais tendance à l’oublier parfois, mais les obligations que tu avais toutes les semaines te le rappelaient. comme une cicatrice qui prouve qu’on est pas immortel. attaquer le physique d'une personne, really ? allez tu peux faire mieux que ce genre de réflexion digne d'une cour de récréation. tu levas les yeux au ciel. s’il y avait une chose -excepté ta maladie- que tu aurais aimé oublier, c’était bien l’existence de ce gars. qu’est-ce qu’il faisait là d’ailleurs ? tu ne l’y avais jamais vu, et pourtant, tu venais toutes les semaines. est-ce qu’il te suivait ? est-ce que c’était une de ces techniques pour te rendre la vie encore plus impossible ? comme si tu avais besoin de lui pour ça. tu y parvenais très bien toute seule. mais j'imagine que c'est trop demandé pour ton petit cerveau. tu ricanas un peu à sa répartie pas franchement plus intellectuelle que la tienne. et c’est moi qui suis digne des cours de récré ? tu lanças avec un regard suffisant, plein de mépris. tu ne le supportais pas, et tu ne t’en cachais même pas. à quoi bon faire des efforts avec une personne qui n’en fait pas de son côté. je me mets à ton niveau tu sais. je joue l’imbécile pour ne pas que tu te sentes trop complexé. tu levas les yeux au ciel en soupirant. je suis vraiment généreuse en fait. tu l’étais vraiment, mais simplement pas avec lui. il ne méritait pas de voir tes bons côtés. il ne méritait pas que tu sois ne serait-ce que polie, vu la manière dont il se comportait. les mains sur les hanches, tu tins ta position. prête à encaisser la prochaine mauvaise pique qu’il pourrait te lancer.